Food Inc.

Food Inc.
Titre original:Food Inc.
Réalisateur:Robert Kenner
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:02 décembre 2009
Note:
L'industrie américaine de l'alimentation a connu de profonds changements au fil des décennies passées. Son aspect artisanal, encore véhiculé dans la publicité par l'imaginaire du fermier typique, a progressivement laissé la place à une production industrielle à grande échelle. Une poignée de groupes puissants imposent leur loi sur un marché, qui s'est petit à petit calqué sur le modèle des chaînes fast-food, avec leur stratégie économique basée sur une main d'oeuvre bon marché et la standardisation de la nourriture. Même si le consommateur boycotte la restauration rapide, il se retrouvera inévitablement avec le même genre de produit dans son assiette : une alimentation peu équilibrée, dont l'origine est difficilement traçable et qui peut provoquer des intoxications graves.

Critique de Tootpadu

Personne n'est à l'abri d'une infection alimentaire à l'E. coli, ni Elton John qui vient de s'en remettre, ni Kevin Kowalczyk, le garçon de deux ans et demi qui y a succombé en 2001 et qui se trouve au coeur émotionnel de ce documentaire coup de poing. Comme l'avait déjà montré We feed the world Le Marché de la faim de Erwin Wagenhofer, notre mode de vie occidental repose sur une surproduction alimentaire, qui exploite sans vergogne l'environnement et qui se nourrit tel un parasite de la détérioration de la santé publique. Bien que le problème se décline désormais à une échelle planétaire, le réalisateur Robert Kenner a choisi de se concentrer exclusivement sur ses manifestations et ses répercussions sur le territoire américain. Il en résulte une critique cinglante d'un rêve américain perverti par l'appât du gain, à des années lumières des plats alléchants de Julia Childs, avec lesquels Hollywood avait voulu nous amadouer il y a quelques mois dans Julie et Julia.
Très américain donc, dans la forme et dans le fond, Food Inc. remonte jusqu'aux origines de ce fléau social, qui se trouvent du côté du miracle économique de l'invention de McDonald's. Bien plus qu'une référence culturelle, synonyme de tout ce qui représente l'Amérique d'un point de vue réducteur, la chaîne de restauration rapide est devenue un modèle incontournable dans la conception de la commercialisation de la nourriture au sens large. Toujours moins cher, plus rapide et interchangeable : tel est le canon selon lequel les masses sont rassasiées depuis la majorité de temps que l'humanité actuelle a passé sur Terre. Peu importe les dommages collatéraux à tous les niveaux, cette philosophie mercantile de la consommation doit être respectée sans opposition. Y résister se révèle en effet comme un véritable supplice de Sisyphe. Appuyées par le monde politique et par conséquent pratiquement intouchables dans le domaine légal, les entités économiques anonymes, nullement disposées à se laisser interroger pour les besoins de ce travail d'investigation du coup incomplet, qui défendent férocement leur modèle basé sur l'inégalité et le profit éphémère, ne céderont que sous le poids du marché. La lumière au bout du tunnel se trouve bien là : dans la capacité de chacun d'entre nous de voter avec notre porte-monnaie et dans la mesure de nos moyens financiers.
La mise en scène de Robert Kenner mène l'agenda de révendications de son film avec adresse. On pourrait certes lui reprocher sa facture trop américaine, avec ses animations dernier cri, sa musique emphatique, et son recours mesuré au chantage émotionnel. Mais en même temps, cette forme soignée de l'information divertissante ne devrait pas rater sa cible principale : un public américain bien trop endoctriné par les bienfaits trompeurs de la malbouffe. En Europe, la question de l'industrie de l'alimentation se pose en des termes légèrement différents. Mais au propre comme au figuré, il n'a jamais nuit à personne de regarder plus loin que le bord de son assiette.

Vu le 17 novembre 2009, à la Salle Pathé Lincoln, en VO

Note de Tootpadu: